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Bornes in the USA

J'irai me doucher chez vous

J’éprouve une tendresse particulière pour lui, je dois bien l'avouer. Malgré le temps, il parvient encore à me surprendre. J’appréhende le manque à mon retour. Il est touchant, parfois maladroit, mais qu’est-ce que j’aime ce « hug » dont raffolent les Américains. Chez eux, s’embrasser, c’est s’enlacer. Pas de mollassonnes poignées de mains ou de bises repetita. A chaque fois qu’ils me serrent dans leur bras, je suis heureux comme le type qui a ramassé le sac de Séb. D’ailleurs, mec, écoute-moi bien : si tu passes un jour par ici, sache que tu fais preuve de bon goût. Alors pourquoi t’entêter à porter le fuseau blanc de mon camarade ?

A ce propos, la perte des affaires et du passeport semble digérée. Définitivement ? Je ne m’avancerai pas jusque-là. Connaissant la veine légendaire de mon acolyte, quelqu’un trouvera peut-être le moyen de faire péter une tour sous son identité. En attendant, dans l’Iowa, il s’est vengé sur le criquet. Agacé par sa tessiture, il a pulvérisé frénétiquement un répulsif dans le camion. L’insecte s’est tu et on a récupéré la capacité pulmonaire de Grégory Lemarchal.

J'irai me doucher chez vous

Plus que leurs câlins, j’aime ces gens. C’est mon quart d’heure américain. Ce billet sent d'ici la guimauve. Bientôt la fleur de tiaré.

Parfois, c’est vrai, ils en font un peu trop. Comme cette gardienne de parking du lac Tahoe, à la frontière de la Californie et du Nevada. A un simple « Comment allez-vous ? », la sexagénaire nous avait répliqué à base de papillons dans le ventre : « Je passe une a-ma-zing journée, la plus a-we-so-me depuis que Jésus m’a accueilli sur cette won-der-ful planète. » God Bless America ! A côté de cette après-midi à compter les voitures dans sa guérite, la naissance du petit-fils, c’est Pearl Harbor un 11 septembre. J’ose à peine imaginer quand papy lui titille le bonheur...

Outre cette décharge permanente de bonnes ondes, leur premier contact reste fascinant de simplicité. Tu déplies une carte, ils se jettent sur toi pour t’indiquer le chemin. Tu parles (fort) en français, ils te demandent d’où tu viens. Tu détailles ton voyage, ils s’enthousiasment pour trois.

J'irai me doucher chez vous

A Boulder, petite ville bio-bobo-écolo-tout-le-monde-à-vélo du Colorado, les gens sourient lorsqu’ils arpentent la rue piétonne de Pearl Street. Un luxe au pays de la bagnole. Ici, à 50 km de Denver, au pied des Rocheuses, notre route de l’aller a croisé celle du retour. Et celle d’Hannah dans un café-librairie. Le lendemain, cette habituée des voyages nous proposait gentiment une douche. Pour la remercier, Séb lui a offert un cadeau. Son plus beau cadeau. Celui qu’il ne sort qu’en de trop rares occasions. « Même les cow-girls ont du vague à l'âme ».

J'irai me doucher chez vous

Le cheveu soyeux, on s’est dirigé dans une pizzeria. Attablé à nos côtés, Bill et sa compagne, une cinquantaine d’années, nous ont interpellés. On devait parler fort. Douze heures plus tard, on sonnait chez eux, serviette sur l’épaule. En road-trip, des rencontres et une baignoire, c'est aussi appréciable que de saluer Marco Materazzi en plein footing à Venice Beach. J'ai toujours aimé le beau football mais ce n'est pas le sujet. 

On a enchaîné deux nouvelles douches et même la couche, chez un groupe de jeunes puis dans une station de ski, Breckenridge, invités par Hannah et ses amis. Dans le Colorado, on sentait vraiment la fleur de tiaré.

J'irai me doucher chez vous
J'irai me doucher chez vous

Ce week-end-là, Dana et John se trouvaient justement dans leur résidence secondaire de Breckenridge. On l’apprendra à notre arrivée chez eux, à Fairway, banlieue cossue de Kansas City. Ce couple à la soixantaine active nous a accueillis comme ses enfants. En France, qui hébergerait des inconnus furtivement croisés un mois plus tôt à plus de 1000 km de là ? Les Fourniret ne comptent pas.

Chez les Tanner, c’était la Fête à la maison. On a trouvé un cocon. Rencontré Luke, leur fils de 26 ans, de passage entre Chicago et Denver. Suivi Dana, ultra-dynamique malgré un bras gauche paralysé par un cancer. Elle a joué au guide et sensiblement rehaussé l’intérêt de cette étape. John, dentiste pince-sans-rire, a régalé en sushis la famille élargie. Le soir, il s'est absenté du restaurant pour acheter un tee-shirt à Séb, nu depuis la veille, et compléter la collection d’autocollants du van. On ne comprend toujours rien au baseball, mais on supporte désormais les Royals de Kansas City, en passe de gagner les World Series.

Le lendemain, fringues et nourritures garnissaient le camion. Dana nous a même laissé les coordonnées de sa fille. Mary vit à Charleston, étape listée en Caroline du Sud. Tu laisserais, toi, le numéro de ta fille de 23 ans à deux barbus qui donnent l’impression de sortir de 20 ans de réclusion ? Séb avait la prunelle allumée. Dans ces moments-là, je l'appelle George. Il devient américain, gesticule et parle à peu près comme ça. En les quittant, on était heureux. Encore plus quand Dana nous a fait un gros « hug ».

J'irai me doucher chez vous
J'irai me doucher chez vous
J'irai me doucher chez vous
J'irai me doucher chez vous

Je pourrais continuer d'égrener la liste de ces rencontres surlignées en fluo, évoquer Kalen et James, deux Californiens voisins de van et de trottoir à la Nouvelle-Orléans. Mais on vient d'arriver à Cincinnati. Un petit événement. La dernière fois que Séb cherchait un Ohio, il avait eu des pépins.

Tu vas me dire : ils sont tous fabuleux, ces Américains ! Non. Certains inventent des preuves pour déclencher des guerres, c'est dire. Mais dans l’ensemble, notre expérience respire le positif. Même notre dizaine de rencontres avec les autorités ne souffrent d’aucune contestation. Dans le Washington, un flic s’est carrément excusé de nous interpeller à 50 km/heure au-dessus de la limite. Bon, ça arrive sans doute moins souvent dans l’Alabama pour ceux qui ne jouent pas dans la catégorie blonds aux yeux bleus...

Mardi à Chicago, j’ai bien cru à notre première amende. On courrait sous la pluie, zigzaguant entre chaussées et trottoirs dans un sprint en direction du United Center. Les Bulls recevaient les Cavs pour la reprise de la NBA. Une sirène a retenti dans notre dos. Quand la police américaine met la sirène, tu peux prendre rendez-vous chez l’otorhino. A côté, le mégaphone de Michaël Youn, c’est une ballade à la flute de pan. Une deuxième a suivi, embrayée par tout un concerto. Une voiture s’est portée à notre niveau. Puis deux. Trois, dix, cinquante. Parfois, c'est vrai, ils en font beaucoup trop. Au milieu du cortège se glissait une Cadillac One, le capot habillé de deux drapeaux américains. Ce n’était pas pour nous. Barack Obama aime aussi le basket.

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